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Critique de l'infodémie:

 

Au-delà de la filiation communément admise avec le contexte inhérent à la « crise » du covid 19, le concept d’infodémie est ici abordé dans un cadre plus large, applicable à tous les sujets faisant l’objet d’un volume élevé d’informations généralement erronées, d’une action terroriste d’envergure à la plus anecdotique des rumeurs. Tout en évoquant diverses variantes lexicales du même acabit (mésinformation, désinformation, Infox, infobésité, surcharge informationelle, etc…), l’infodémie serait consubstantielle à cet « écosystème médiatique » généré par le développement des nouvelles technologies de l’information et aux changements d’habitude immanquablement générés par celles-ci. Face au caractère inéluctable de cette infodémie et de ses dérivés, cet article dresse le constat d’un renforcement des « croyances » au détriment des « savoirs », tout en postulant bien évidemment que de tels phénomènes seraient plus prégnants sur les « réseaux sociaux » liés à internet que dans les « médias historiques » relayant les « sources d’information gouvernementales ». Fort de ce diagnostic sans appel, cet article conclut sur la nécessaire mise en place d’une forme de « régulation » tous azimuts en matière de contrôle de l’information, une « approche écologique » selon des principes de « bonne gouvernance », moyennant le recours à de supposés « experts ». Considérée comme indispensable dans un tel contexte, l’éducation à l’information est définie comme « centrale » dans cet « écosystème », au point que « l’acquisition d’une culture critique des médias implique de développer des programmes d’éducation aux médias dans le système scolaire ». De cette nouvelle forme d’esprit critique aux CPS, il ne reste qu’un pas…

 

En replaçant le concept d’infodémie dans le cadre des sciences de l’information et de la communication, les auteurs de cet article, bien que complaisants, offrent une lecture critique des ambitions affichées par l’OMS de définir l’infodémiologie en tant que nouvelle « discipline » à vocation « scientifique ». D’un point de vue historique, cette analyse se réfère à la fois à la « théorie de l’information » selon Claude Shannon, qui renvoie à la « cybernétique de la fin des années 40 » (Conférences Macy), et aux travaux initiés par Gunther Eysenbach en matière de santé numérique, à mettre en relation avec « la prévention de la dépression et du suicide sur le plan de la santé mentale », l’infodémie relevant de la « diffusion de contenus "pathogènes" sur les réseaux et les plateformes numériques ». D’un point de vue politique, c’est en fonction de la « biopolitique foucaldienne » que sont analysées les ambitions affichées par l’OMS, qu’il s’agisse de « surveiller l’information » ou d’aboutir à un « écosystème médiatique de nature prophylactique », cette double perspective aboutissant nécessairement à un contrôle accru des populations par le biais des actions à mener sur « la nature "sémiotique" de l’environnement dans lequel les individus évoluent ». L’infodémie relevant donc de « "mauvaises" informations » qui s’avèrent « comparables à des maladies qu’il s’agit de "combattre", d’éliminer, de prévenir, de guérir », cet article se conclut sur l’évolution du « rôle institutionnel de l’OMS », qui « mute ainsi pour devenir non seulement une organisation de l’information sanitaire, mais aussi d’éducation aux médias ». Tout un programme, en effet…

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Publié en 2021 dans « Les cahiers du numérique », cet article évoque l’infodémiologie comme « une science interdisciplinaire dont le développement est programmé par l’OMS », qui serait « basée sur des preuves scientifiques qui reposent sur des comportements et des situations réelles ». Bien que les conséquences délétères de l’infodémie sur la « cohésion sociale » soient dûment posées en rappelant que « des stratégies d’influence et de manipulation sont sous-jacentes à la massification des informations », la responsabilité première en est exclusivement attribué à une information « dématérialisée », « sporadique » et « anachronique », dont le flux « est un agrégat de données valides et invalides », « flux généré par les usagers et qui se diffuse largement sans freins », « ouvrant la voie à des voix plurielles incohérentes ». Fort de cette interprétation biaisée par son caractère univoque, on en vient naturellement à considérer que « l’ensemble de droits et devoirs de l’exercice de la liberté d’expression est mis à mal par l’infodémie », au point qu’il soit ouvertement souhaité que soit remis en question l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme sur la liberté d’opinion et d’expression. Pourquoi se gêner, après tout ?...

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Dans ce document publié en octobre 2020 par l’IRIS (Institut de Relations Internationales & Stratégiques) se trouvent quatre articles distincts (dont l’un est rédigé en anglais) qui regorgent d’analyses plus ou moins pertinentes, même s’il s’agit à chaque fois de légitimer le concept d’infodémie au profit des instances internationales officielles. Chacun de ces articles considère l’infodémie comme intrinsèquement liée à l’avènement des technologies numériques, considérées à juste titre dans le dernier article comme un « pharmakon » platonicien, au sens stieglerien du terme. Si le premier d’entre eux évoque le concept de « post-vérité » pour redéfinir d’emblée la question du rapport entre le consensus scientifique et la démocratie, tout en se référant à Hannah Arendt, ce même auteur considère que les enjeux géostratégiques et les intérêts financiers relatifs à ces manipulations numériques justifieraient que des études soient entreprises en direction des mécanismes propres au « cerveau humain ». Tandis que l’auteur du dernier article en vient à réduire la liberté de l’information sur les supports numériques à la guerre de tous contre tous, laquelle ne saurait alors que « favoriser l’infodémie », un autre se contente d’observer que la dérégulation de l’information sur internet nourrit nécessairement la crédulité du plus grand nombre, optant dès lors pour une réhabilitation de la rationalité comme fondement démocratique pour lutter contre la « démagogie cognitive », même s’il reste à définir ce dont il serait réellement question en la matière. Détail amusant : seul l’article rédigé en anglais passe complètement à côté du sujet en confondant à tort infodémie et désinformation, ce qui s’avère d’autant plus grotesque qu’à l’époque de la parution de ce document, l’idée qu’il puisse exister un potentiel vaccin contre le covid19 était encore considérée comme une « fake news » par ceux-là mêmes qui allaient en assurer avec ferveur la promotion à peine quelques mois plus tard ! On attend toujours avec impatience le dossier n°2…

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